Réquisitions et ravitaillement
Dans le Guide de recherche consacré à la Grande Guerre publié par les Archives de France en 2014, Pierre Chancerel souligne, en guise de conclusion au chapitre consacré à l'économie, l'existence de « pans entiers de l'économie de guerre [...] inexploités », ajoutant que son histoire repose encore « sur une bibliographie ancienne ». Ce constat est perceptible dans la mise en valeur des sources illustrant cette thématique. Difficile en effet, lors de l'analyse des documents, de dissocier, en particulier pour ceux produits et conservés dans les petites communes, ceux qui relèvent du ravitaillement de ceux touchant aux réquisitions. De fait, l'association des deux termes en tête de chapitre répond à cette problématique.
Les documents conservés au sein des Archives départementales et traitant de ce conflit proviennent de l'ensemble des séries modernes : les grandes séries de la préfecture associées à la mise en place et au fonctionnement du ravitaillement et des réquisitions - sous-séries 1M (Administration générale, fêtes, distinctions honorifiques ; organisation et mise en oeuvre, contrôle des prix...) et 6M (Population, économie ; office départemental des combustibles...), 2R (Organisation de l'armée ; commission départementale d'évaluation des réquisitions, liens préfecture-intendance militaire...) - complètent celle des sous-préfectures (série Z) qui mettent, entre autres, en relief les commissions de réception du ravitaillement et des réquisitions.
Au-delà de ces fonds documentaires touchant à l'organisation et au fonctionnement, des archives nous informent de la façon dont les populations réagissent à l'application de ces nouvelles procédures comme les minutes des justice de paix (4U), organe conciliateur de premier degré, ou des tribunaux d'instance (3U) et de la cour d'appel de Rennes (1U), institutions qui apportent une réponse pénale au refus d'obtempérer aux réquisitions, aux ventes cachées d'animaux et de grains en dehors des marchés et plus largement aux refus de suivre l'application des textes d'exception comme de manger de la viande les jours sans viande, de donner des céréales ou du pain aux animaux de ferme, de trafiquer la qualité des lait et beurre. Les rapports des inspecteurs de la 13e brigade territoriale de Rennes (4 M Police, police administrative) nous renseignent également sur l'état d'esprit des populations soumises à cet état de guerre économique.
Les fonds communaux, surtout les sous-séries 6F (Mesures d'exception, ravitaillement des populations en temps de guerre) et 4H (Mesures d'exception et faits de guerre), apportent aux chercheurs de précieux éléments souvent absents des collections départementales. Ils nous éclairent souvent sur des informations individuelles (carnet de rationnement nominatif, correspondance personnelle..., des domaines peu documentés sur certains produits (les peaux de mouton, les noix, ...) ou sur des copies, parfois simplement griffonnées, d'enquêtes demandées par les autorités préfectorales sur des sujets bien définis et non conservées aux Archives départementales, comme l'enquête sur les artisans et les commerçants décédés ou disparus pendant le conflit (archives de Redon et du Loroux). Dans l'ensemble de ces fonds d'archives communaux, la distinction entre archives relevant du ravitaillement ou de la réquisition s'avère assez difficile.
Outre cette appellation approximative des mesures de contingentement des produits, ce chapitre du guide des sources se distingue par la très importante diversité des fonds et l'indispensable complémentarité entre les fonds nationaux, départementaux et communaux pour réaliser une étude pertinente.
POUR ALLER PLUS LOIN
En complément des notices, on pourra consulter le développement apporté sur Le recensement et classement des chevaux, mulets et voitures attelées et non attelées