Maintien de l'ordre et surveillance
Ce sous-chapitre est consacré au maintien de l'ordre sous l'angle civil. Les archives permettent de comprendre comment et dans quelles limites les forces de police et l'autorité civile exercent leurs missions dans le cadre de l'état de siège. L'organisation des notices n'a pas toujours été aisée, d'où le choix d'en doublonner certaines dans les différentes rubriques du sous-chapitre. En tête, les notices générales sur la sûreté générale et l'ordre public peuvent contenir des informations sur les étrangers, les mouvements sociaux, le rôle des forces de police,..., qui font également l'objet de rubriques spécifiques.
Les instructions d'octobre 1913 du ministère de la Guerre relatives à l'état de siège sur le territoire national donnent à l'autorité militaire des pouvoirs étendus en matière de police. Dans l'exercice du maintien de l'ordre public, l'autorité civile se retrouve subordonnée à l'autorité militaire. Pour des raisons pratiques en matière de police, l'autorité militaire délègue cette fonction au pouvoir civil, sur réquisition. Elle ne dessaisit pas le préfet de ses compétences mais les décisions de ce dernier sont subordonnées à l'accord du haut commandement, de plus elle oriente la politique à mener en matière de surveillance des personnes. Le préfet devient un agent de transmission des informations provenant de l'autorité militaire mais fait également remonter à celle-ci, dans les rapports mensuels sur l'état d'esprit de la population, les données sur les événements suspects transmises par les sous-préfets.
Les archives conservées relèvent de l'information ou de la réglementation. Ce sous-chapitre contient nombre de pièces relatives à la circulation des Français et des étrangers, étroitement contrôlée durant la guerre. Les communes ont notamment bien conservé une instruction d'octobre 1913 "réglant l'exercice des pouvoirs de police de l'autorité militaire sur le territoire national en état de siège", ainsi que diverses circulaires diffusées pendant le conflit.
L'observation de l'opinion publique et l'information sur les événements locaux susceptibles d'influencer la politique nationale sont les missions des préfets et des forces de police. Avec la pérennisation de la guerre dans le temps, qui s'accompagne de restrictions et de réquisitions, les autorités s'inquiètent de l'attitude et de la réaction de la population. A ce titre, elles mettent sur pied des moyens pour contrôler l'état moral des civils. En règle générale, sont évoqués les problèmes agricoles engendrés par le manque de main-d'oeuvre et les réquisitions, les tensions sociales, conséquence de l'augmentation du coût de la vie ainsi que la lassitude de l'état de guerre ressentie par les habitants. La mobilisation, l'allongement du conflit, l'afflux de populations posent un défi aux autorités civiles pour le maintien de l'ordre et la tranquillité publique alors que dans le même temps les effectifs des forces de police sont amoindris. Une solution temporaire est mise en place en 1914 avec l'organisation des corps spéciaux de la garde civile dans les communes, malgré les difficultés de recrutement car la plus grande partie des hommes valides sont alors mobilisés.
La surveillance des personnes et le maintien de l'ordre sont assurés principalement par les commissaires spéciaux, civils membres de la Sûreté et relevant de l'autorité du ministre de l'Intérieur, ainsi que les gendarmes. La 13e Brigade de police mobile vise à seconder ou à pallier les actions menées sans résultat par les polices locales dans le cadre de la police judiciaire pour les crimes et délits commis dans les Xe et XIe régions militaires. Les archives produites par la gendarmerie, corps militaire, sont présentées dans le présent chapitre, car elles renseignent également sur diverses thématiques de la vie à l'arrière, particulièrement dans les campagnes où les brigades sont implantées mais également à l'occasion de grèves dans les grandes villes du département (Fougères, Rennes,...).
Les deux principaux moyens de surveillance de la population civile sont le contrôle de la correspondance privée et le contrôle de la circulation. Cette surveillance vise, outre l'ordre public, à empêcher l'espionnage et les agissements suspects. En raison de l'hétérogénéité des populations impliquées dans le conflit, le contrôle des actions pacifistes est orienté vers les milieux ouvrier et intellectuel (sensibles à l'idée d'antimilitarisme puis de paix), les populations étrangères, les étrangers appelés en tant que main-d'oeuvre, les réfugiés (belges et français principalement), les soldats russes à partir de 1917. Les usines qui travaillent pour le front sont aussi étroitement surveillées, comme à l'Arsenal de Rennes où syndicats et ouvriers font l'objet de rapports de police réguliers : leurs relations, opinions et déplacements sont contrôlés. Dans le contexte de guerre, le gouvernement craint le dévoilement de renseignements stratégiques mais également des attentats.
La question des étrangers prend un relief particulier dans un département frontalier avec une façade maritime, qui voit sa population étrangère doubler de 1911 à 1921. Cette immigration, véritable palliatif pour répondre aux besoins de main-d'oeuvre de l'effort de guerre, constitue une source de tensions. Lors de la grève en juin 1917 à l'Arsenal à Rennes, le renvoi de la main-d'oeuvre étrangère est l'une des revendications des munitionnettes qui refusent de travailler dans la promiscuité avec les Kabyles. Dès le début du conflit, les étrangers ont l'obligation de porter un passeport et, suite au décret du 2 avril 1917, de se faire délivrer une carte d'identité.
POUR ALLER PLUS LOIN
En complément des notices, on pourra consulter, outre la bibliographie, les développements apportés sur la 13e brigade régionale de police mobile.